Fermes mais pas fermés

Publié le par stéphane.grim

 Texte envoyé sur le site de Gérard Filoche. 08.09.2008

Fermes mais pas fermés

 

Bon... peut etre que ce que je vais dire va énerver un peu mais c'est par peur une position trop braquée. J'en entends certains parler, comme Peillon, d'une alliance avec le MODEM ; d'autres la démentir en espèrant tout de même la faire sans en parler avant ; et pour vous c'est hors de question. Bref.
Le problème à mon avis c'est que les deux premières lignes sont vouées au plantage et la votre pourrait connaître le même sort si elle s'enferme. D'abord à cause de l'analyse sur Bayrou. Je vais expliquer pourquoi je pense ça, mais avant quelques précisions :

 

I Préalable :

Je partage l'argumentaire fait lors de la campagne 2007 par l'équipe autour de Mélenchon ; aussi l'analyse qui s'appuie sur un retour de l'Etat stratège, sur un choc fiscal, sur une remise en cause du libre échange généralisé, celle qu'on retrouve chez J.Généreux, chez Ngoc etc ou E. Todd par exemple.
De même je partage absolument l'idée que la gauche du PS est au centre de la force d'opposition, ainsi que la position de Lienemann / Quilès / Chevènement de dépassement du PS par un parti de la Gauche (plutôt à mon sens comme Chevènement une fédération pour l'instant mais je ne vais pas déblatérer là dessus aujourd'hui), une alliance des producteurs et exclus contre les rentiers pour faire court ( ce qui implique d'aller au delà du salariat, même s'il représente comme G.F. le répète 91%, mais bon passons là aussi pour aujourd'hui).

 

II Petite expérience de chimie pas amusante :

Alors pourquoi je dis qu'il y a plantage ? On dit Bayrou est à droite, ha... alors faisons une comparaison intéressante pour commencer :

- Guérini (la ligne claire) : « Je pense que le RSA n'est ni de droite, ni de gauche. Il est juste et légitime », interview qu'il a donné à La Provence ce dimanche 07.09.

- Hollande (en tractation avec Delanoë) : «Si on veut effectivement faire oeuvre de solidarité, il faut faire en sorte que ce soient les plus favorisés qui paient pour les plus modestes» et il parle de « plancher »

- Hamon (comme G.F. ici) : http://www.lesechos.fr/info/france/4768891.htm. En gros l'Etat c'est à dire les citoyens ne doivent pas se substituer aux employeurs et payer les salaires, c'est une trappe à précarité et bas salaires, c'est injuste puisque cela ponctionne les petits épargnants et les classes moyennes.

- ... maintenant Bayrou : « si l'idée est maintenue et si elle est juste, je le voterai » et « Le financement c'est autre chose. Je ne donnerai pas ma voix à un financement qui ciblerait les classes moyennes et exonèrerait les plus fortunés. C'est niet! Pour moi c'est quelque chose d'inacceptable »

 

Qui est le plus à droite de ces 4 déclarations ? (et encore je passe sur la manière de présenter ça dans les médias audiovisuels car si on compare les mots et la manière de le dire entre Bayrou et Hollande, le dernier ne sort pas grandi, c'est même une catastrophe d'anguille à l'humour pataugeant)

 

III Les dessous du Bayrou :

Bon ce que je veux dire et que je dis à longueur de textes c'est que Bayrou se trouve progressivement plus à gauche qu'une partie du PS. Rien de surprenant car ce chassé croisé n'est pas nouveau du tout. Le passage au gouvernement de Sarkozy ou le rapprochement est une pente naturelle pour certains socialistes. On voit ces dérives sur des questions internationales, économiques ou sociales. La ligne claire, comme diverses personnalités (G.F. détaillait ainsi Rebsamen dans une critique de son livre), se trouve sur plusieurs sujets plus proche de l'UMP que Bayrou. Evidemment il y a une large part de stratégie mais ce serait se gourer lourdement de ne voir que ça. Quelques exemples qui montre une démarche longue :

  • Son bouquin portait sur Henri IV. Que symbolise ce personnage historique sinon un protestant qui passe la frontière (mot utilisé par Bayrou ce week end) pour embrasser la religion catholique , transcender la division et réunifier le royaume. Difficile de faire mieux comme symbole.

  • Plus important, ses références à Ellul et son passé dans le sillage du mouvement de Lanza Del Vasto. Qui c'est ceux là ? Le premier était le disciple français de Ghandi, dont les idées et l'action portent notamment sur la non violence et la désobéissance civile. Le deuxième critiquait en particulier le système technicien et a posé des bases pour l'écologie politique. Quand on sait que dans les mouvances écologistes, Attac (José Bové par exemple), ce sont les mêmes références on voit le lien. Bayrou le sait et d'ailleurs le souligne comme à France Culture dans l'émission « Le rendez vous des politiques ». Ce n'est pas tout, Qu'a fait Bové régulièrement et Lassalle une fois (ce dernier a le même passé proche des communautés de l'Arche de Lanza) ? L'un et l'autre ont utilisé la grève de la faim, c'est à dire leur propre corps comme ultime moyen de pression. Rien de surprenant c'est dans le sillon de cette pensée. On n'oublie pas comme ça des visions du monde aussi radicales et des actions dans lesquelles on a de fortes racines.

  • Mais on n'a pas fini car choisir la légitimité face à une légalité indigne c'est aussi ce qui a porté DeGaulle dans son choix de rejoindre le Royaume Uni le 17 juin 40. Ce que je veux dire c'est que Bayrou ne s'appuie pas par hasard sur ces deux courants écologistes et gaulliste ; il y a un pont réel entre ces lignes politiques qu'on ne voit pas au premier abord.

  • D'ailleurs pourquoi voit on tant Cohn Bendit se démener pour unifier la sphère écolo de Bové au proche d'Hulot via les verts ? Ses liens avec Bayrou et Madelin ne sortent pas d'un chapeau. De même on trouve d'ex verts et Cap 21 au sein du Modem. Lepage ayant sur ce point une démarche très légaliste opposée à Bové. Bayrou se trouve très exactement au milieu entre les deux. Cohn Bendit milite pour ce rapprochement qui a lieu au niveau européen ALDE / verts.

  • Je pourrais citer aussi la question de la corruption. Qui était présent au meeting du MODEM en juin... Eva Joly et son discours était du genre percutant (voir Daily Motion) comme d'habitude. Sur quoi Bayrou attaque t il actuellement ? La corruption avec l'affaire TAPIE, le manque de démocratie dans les médias et là il rejoind ce que Alimi, Bourdieu ou Ramonet ont largement expliqué depuis le milieu des années 90.

  • Et ce n'est pas tout, encore une louchée ! Qui était invité à ce même meeting et ne l'a pas été par le PS ? Emmanuel Todd. Alors passionnant, car Gaucheavenir a reçu Todd et la vidéo est instructive, mais le PS, lui, est incapable de s'ouvrir à cette manière de voir alors que le MODEM le fait ! Grandiose. D'autant plus dommage que la vidéo montre à quel point on a encore de la marge, quand Todd termine son intervention, Sarnez applaudi, son voisin italien aussi plus modérément, en revanche les 4 autres intervenants se refusent au moindre signe mais se congratulent généreusement entre eux après.

Je ne vais pas continuer trop longtemps.

 

IV La peau du PS :

Ce qui me semble important dans tout ça c'est que si le PS vire « démocrate » ou reste comme actuellement, aucun « leader » ne fera le poids. Il n'ont pas l'épaisseur de Bayrou, quelle que soit sa part de stratégie. Ayrault, Moscovici, Royal, Delanoë ou le Concombre masqué ils ne font pas le poids. Pire une partie d'entre eux est déjà plus à droite que Bayrou et pire encore Bayrou lui continue d'évoluer très logiquement :

  • 1 parce que l'extrémisme du Monde porte beaucoup de démocrates sociaux, conservateurs, républicains et même vrais libéraux (y a qu'à voir Léotard ou plus discrètement Madelin c'est pour dire) dans la contestation progressive du modèle actuel.

  • 2 parce le MODEM s'est largement délesté de ses composantes trop à droite.

  • 3 parce que le discours de Bayrou montre parfaitement les ponts jetés aux républicains, aux écologistes et alters, aux socialistes ; qu'il est parti socialement des urbains plus intégrés et qu'il va désormais vers les classes moyennes en explosion et les classes populaires.

  • 4 parce que ce n'est pas la première fois historiquement que ce déplacement à gauche arrive pour son courant de pensée, il avait déjà eu lieu dans la première moitié du siècle (surtout au milieu des années trente) et que l'écologie est dans le même cas.

  • 5 enfin, récemment il commence à déplacer sa critique vers l'Europe (voir pour cela ses critiques liées au référendum irlandais) et sur l'inégalité (le RSA montre qu'il est désormais sur le même plan de critique que quelqu'un comme Hollande), c'est à dire les deux points sur lequels il ne fait pas la différence à gauche.

 

Conclusions :

  • Ce n'est pas que de la stratégie

  • Si le PS vire démocrate ou reste comme actuellement il sera avalé ou croupion plus ou moins rapidement, or ces comiques troupiers ne voient rien venir, mieux ils croient même le manger.

  • Si le PS a le réflexe salvateur de poser son axe enfin sur sa gauche il ne faudra pas laisser Bayrou attaquer seul sur la crise démocratique et mettre fièrement en avant chez nous ce qui coince encore pour un temps chez lui : les propositions socio-économiques, notamment la question du libre échange, de la place de l'Etat et de la répartition.

  • Je ne crois pas qu'on soit obligé de jeter l'anathème sur Bayrou, encore moins sur Dupont Aignant qui n'est pas dans une logique présidentielle. Lienemann a eu le bon réflexe, je trouve, de participer à un meeting commun avec ce dernier. Les critiquer oui mais pas s'enfermer.

  • Je vous rejoinds quand vous essayez de poser l'axe sur l'aile gauche du PS. Mais pour ça je crois qu'il faut préciser les choix sur quatre points : républicain, socio-économique, environnemental et spirituel (je n'ai pas dit religieux).

  • Je peux comprendre qu'on refuse dans un premier temps de travailler avec le MODEM mais se fermer définitivement à lui ça me semble mauvais. J'espère donc une position ferme mais pas fermée. Je trouve la récente déclaration de Hamon constructive car cela ne ferme pas la porte si Bayrou évolue encore. Jeter l'anathème ce serait intolérant et contre productif. On peut parfaitement poser un non temporaire et se ménager un avenir collectif. D'autant plus qu'au sein du PS il y a franchement des personnes avec qui nous partageons encore moins de choses. Enfin si nous arrivons sans casse en 2012, ce dont je ne suis pas sûr du tout compte tenu des crises majeures en cours (environnementale, économique, démocratique, spirituelle, démographique, sanitaire, internationale notamment), je pense qu'il faudra un accord de type CNR ou au minimum un soutien plus ou moins tacite pour contrer cette droite non républicaine. Je partage l'analyse de G. Filoche sur le vote de 2002 éparpillé mais majoritaire en voix de gauche qui montre comme d'autres évènements l'attente de justice sociale ; mais je crois que l'analyse d'Eric Dupin (voir les auditions de Gaucheavenir) est complémentaire (l'une n'empêche pas l'autre car la schyzophrénie est bien visible autour de nous) et qu'on n'est pas à l'abri d'une manipulation plus accentuée encore, aux accents ouvriéristes, nationalistes, occidentaliste et sécuritaire.

 

En tout cas bravo pour votre boulot

 

 

 

 

 

Publié dans politique

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